mardi 8 février 2022

 - Tu n'assumes jamais ce que tu penses. Tu parles toujours de nuance, de complexité. Tu crois que c'est ça, être intelligent, être mûr, avoir une pensée? Sur les sujets les plus graves comme sur les plus ordinaires, ta pensée est un balancement permanent. Tu veux. Et la seconde d'après tu ne veux plus. Tu crois et tu doutes dans la même phrase. Une vie de peut-être! C'est ce que tu veux? On ne sait jamais ce que tu penses. Le monde pour toi est une fine ligne de crête entre deux abîmes.

(Mohamed Mbougar Sarr - La plus secrète mémoire des hommes - p113)

lundi 16 décembre 2019




dimanche 3 novembre 2019

PHILIPPE MURAY 

ULTIMA NECAT III


p10
Des scènes où, se cotoyant, se rapprochant, essayant quand même de se supporter, et peut-être de s'aimer, il et elle noient dans la beuverie les contradictions qui les opposent et qu'ils ne doivent pas voir pour pouvoir continuer à se parler.

p19
L'échec a ceci d'obscène qu'il vous conduit à la culpabilité par l'obligation où il vous met d'en rechercher les raisons.

p21
Il ne s'agit donc pas d'empêcher la fuite du temps. Il s'agit d'empêcher les autres de me vivre (à la façon dont ils vivent tout: en salopant).

p41
Toute mon entreprise est de faire sentir la richesse et la joie de l'au-delà du désenchentement.

p46
..."Je ne suis qu'un trou qui chante avec du vinyle autour"...

p49
Touche pas à mon despote!

p143
Manque de confiance, hésitations, tergiversations dans les marges: " Toute espèce de parti se prend en un instant. Quoiqu'on fasse, il faut arriver au moment où on se décide." (Balzac).

p148
Ce que tu ne ressens pas, laisse-le tomber.
Tout ce qui te paraît hasardeux, mets-le sous forme de question.
Tout ce que tu crois trop vrai, laisse-le dire par un personnage que tu fais semblant de désapprouver.

p156
Après avoir donné son avis sur quelque chose, il est encore plus intéressant de donner son avis sur la somme des avis que les autres ont donné à propos de cette chose, etc.

 p181
Image...Ils y tiennent à leur image...Ceux qui en ont une et qui crèvent d'angoisse de la perdre, ceux qui n'en n'ont pas et qui voudraient se la faire...Moi, quand j'entends le mot "image", je sors ma grand-mère: "Reste là, ne bouge plus, elle me disais, sois sage comme une image...". Voilà. Il n'y a pas plus sage qu'une image, pas plus mort. Comme les pubs. Comme la télé qui fait les pubs et les images. Et c'est ça qu'ils veulent.
L'image, l'envie d'image, le bildneid, forme inédite, moderne, du complexe de castration.

p182
"Quand "être absolument moderne" est devenue une loi spéciale proclamée par le tyran, ce que l'honnête esclave craint plus que tout, c'est que l'on puisse le soupçonner d'être passéiste." (Debord)

p284
La lecture au premier degré est l'avenir humain en soi.

p291
Un classique est quelqu'un qui cherche la forme la plus simple pour exprimer une vision dont il sent qu'elle va être de plus en plus complexe et inacceptable. Opposable au novateur qui n'arrête pas de cacher sous un style complexe des contenus d'une pauvreté extrême.

p310
Proust: "Quand on travaille pour plaire aux autres on peut ne pas réussir, mais les choses qu'on a faites pour se contenter soi-même ont toujours la chance d'intéresser quelqu'un."

p317
Le génie, c'est quand ce qui se voit émane de son propre opposé qui, lui, ne se voit pas.

p334
Il faut choisir: préférer rire de quelque chose, ou le changer. Le rire ne peut pas être de gauche.

p342
Photographiez le photographe!

p344
Êtes-vous nostalgique? Attention! Ce mot condamne...
Mais la nostalgie elle-même est dégueulassement romantique...

p348
"Quand nous serons devenus moraux tout à fait au sens où nos civilisations l'entendent et le désirent et bientôt l'exigeront, je crois que nous finirons par éclater tout à fait aussi de méchanceté. On ne nous aura laissé pour nous distraire que l'instinct de destruction." Céline

p452
"Ils sont rares ceux qui n'ont pas besoin de surnaturel. La Philosophie sera toujours le partage des aristocrates." Flaubert

p458
Aux larmes citoyens

"L'homme qui aime le meurtre fomente des opinions, afin que l'on assassine pour elles." Sade

p467
Cette Société où ils se trouvent et qu'ils sont prêts à défendre contre toutes les attaques possibles et imaginables, ils la haïssent en vérité comme jamais peut-être aucune population, dans le cours des temps, n'ai haï le donné social, les structures dans lesquelles elle se trouvait vivre. Mais ils ne le savent pas. Il s se vengent donc sur ceux -très rares- qui ont le courage de le leur révéler.


 

jeudi 17 janvier 2019

H.P. LOVECRAFT
Contre le monde, contre la vie
(Michel Houellebecq)


P23
Il conservera toute sa vie une attitude typiquement aristocratique de mépris de l'humanité en général, joint à une extrème gentillesse pour les individus en particulier.

P35
Comme Baudelaire, comme Edgar Poe, il est fasciné par l'idée que l'application rigide de certains schémas, certaines formules, certaines symétries doit pouvoir permettre d'accéder à la perfection.

P51
Mais en dehors de cette aversion pour la psychanalise, finalement commune à beaucoup d'artistes...

P117
Comme Antonin Artaud l'a indiqué, la cruauté envers autrui ne donne que de médiocres résultats artistiques; la cruauté envers soi est autrement intéressante.


mardi 18 décembre 2018

PLATEFORME - Michel Houellebecq

P94
C'est dans le rapport à autrui qu'on prend conscience de soi; c'est bien ce qui rend le rapport à autrui insupportable.

P192

...par ailleurs les artistes fonctionnaient souvent en meutes ou en réseaux...
 
Je sentais en lui une certaine authenticité - mais c'était peut-être simplement l'authenticité de l'échec.


lundi 15 janvier 2018

L'HOMME SURNUMÉRAIRE - Patrice Jean





p62
Un homme ne devient intéressant que lorsqu'il commence à perdre, me dis-je avant de quitter la plage.

p72
...le refus de la nostalgie équivalait à ne pas aimer le présent quand il était présent, ou si peu, puisque l'on s'en détourne sans regret, lui préférant à chaque fois le présent succédant à l'ancien, que l'on sacrifiera dans quelques années à l'heure du nouveau jour, et ainsi de suite, sans rien retenir,comme un homme à la mémoire trouée, comme ces gens qui courent après de nouveaux vêtements, de nouvelles idées sensées apporter, à chaque fois, le bonheur.

p74
la vaisselle

p174
La littérature était du côté de l'individu, de la solitude, de la défaite; la communauté des petits hommes ne la supportait plus, et moi, renégat, je jetais, avec les autres, ma pelletée d'immondices sur son corps blessé et sublime.

p189
S'il avait entendu parler de "déconstruction", il aurait sur-le-champ détesté le concept, comme l'indisposait le champ sémantique de la division, fragmentation, morcellement, séparation, etc. Pour lui, le bonheur était dans l'agglomération, la construction, la permanence.Serge, sans le savoir, était un classique, pas un postmoderne. Autant dire, un homme à négliger ("à abattre" eût été lui accorder trop d'importance).

p221
Les femmes de ménage et la révolution. +++++

p228
Par contrecoup, la droite et l'extrême-droite me devenaient aimables et j'aimais afficher, devant ses amis épouvantés, des idées qu'ils jugeaient "nauséabondes", de la même façon qu'autrefois, devant des bigots, les libertins, s'amusaient à nier l'existence de Dieu.

p263
La lettre d'Étienne Weil à Jacques Cornevain. +++++

lundi 30 octobre 2017

MICHEL VIEUCHANGE 

SMARA

p69
Car c'est toi qu'il faut atteindre, le lieu qui, foulé, donne aux pas qui ont été vers lui une durable valeur. Toi seul confères à l'effort parce que nous pouvons imprimer notre nom dans ton sol, son autorité, son galbe définitif, le fais passer de l'informe encore à la forme, belle pour chacun.

p78
J'avais trouvé le début du livre et bien entendu n'ayant pas de lumière pour écrire, je ne puis retrouver cette vie de la phrase qui, si on prend garde de bien vite l'attraper, s'efface si rapidement. Il ne reste plus qu'une peau desséchée. C'est cela et ce n'est plus ça.

p151
"Ne désire pas avec trop de force une chose, les dieux jaloux te l'interdiraient" Eschyle ?

p215
C'est de cette impression d'être dans le vrai, l'essentiel - d'amasser les actes -, que naît la meilleure joie de la vie, le contentement pour les regards en arrière et en avant.

samedi 11 mars 2017

L'HERNE HOUELLEBECQ

p30
"J'aurais pu être militant, mais j'ai trop d'humour."

p86
On tue aussi les choses anciennes

p105
Roland Barthes "Tout à coup il m'est devenu indifférent de ne pas être moderne"

p115
blague...;oui je vois bien que cela fonctionnera en pratique, mais est-ce que cela fonctionnera en théorie?

p212
"Si vous ne parvenez pas à articuler votre souffrance dans une structure bien définie, vous êtes foutu...La structure est le seul moyen d'échapper au suicide. Et le suicide ne résout rien. Imaginez que Baudelaire ait réussi sa tentative de suicide, à vingt-quatre ans."

p235
Schopenhauer: "La première - et pratiquement la seule -condition d'un bon style, c'est d'avoir quelque chose à dire."

p266
Marin de Viry sur MH
Globalement, il n'a jamais consacré son art à autre chose qu'à me procurer un surcroît de lucidité. En servant son art, il m'a servi. D'autres se servent de leur art pour se servir de moi.

p340
...on s'intéresse à des livres, alors qu'au fond on sait bien que c'est la personne qui vous intéresse...

 

 

lundi 9 janvier 2017

DOSTOÏEVSKI - LES DÉMONS

TOME 1

p146
écrivains

p212
Si tu veux vaincre le monde, vaincs-toi toi même.

TOME 2

p101
...il faut croire que la deuxième moitié de la vie humaine n'est généralement faite que des habitudes forgées dans la première moitié.

p302
Derrière la haine la plus constante qu'elle éprouve envers vous, la haine la plus sincère, la plus complète, ce qui luit à chaque instant, c'est son amour et ...la folie...l'amour le plus sincère et le plus infini et - la folie! Au contraire, derrière l'amour qu'elle ressent pour moi, là aussi sincèrement, à chaque seconde, c'est de la haine qui luit - la haine la plus terrible! Jamais auparavant je n'aurais pu imaginer toutes ces...métamorphoses.

p362
Les esclaves doivent être égaux; sans tyrannie il n'y a encore jamis eu de liberté ni d'égalité, mais l'égalité doit exister dans le troupeau...
(et avant)

p370
C'est quoi le socialisme? On détruit les vieilles forces, on n'en donne pas de nouvelles.

p371
vous êtes beau

p449
l'athéisme total est plus respectable que l'indifférence mondaine

L'athée parfait se tient sur l'avant-dernier degré avant la foi parfaite (qu'il franchisse ce degré ou non) alors que l'indifférent n'a aucune foi à part une mauvaise peur.

TOME 3

p230-231
L'épilepsie


mercredi 18 mai 2016

GEORGES BERNANOS - LA FRANCE CONTRE LES ROBOTS





p81
Or, je ne suis nullement "passéiste"... Il est vrai que j'aime profondément le passé, mais parce qu'il me permet de mieux comprendre le présent - de mieux le comprendre, c'est-à-dire de mieux l'aimer, de l'aimer plus utilement, de l'aimer en dépit de ses contradictions et de ses bêtises...

p82
On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l'on n'admet pas d'abord qu'elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure. Hélas! la liberté n'est pourtant qu'en vous, imbéciles!

p103
L'expérience m'a depuis longtemps démontré que l'imbécile n'est jamais simple, et très rarement ignorant. L'intellectuel devrait donc nous être, par définition, suspect? Certainement. Je dis l'intellectuel, l'homme qui se donne lui-même ce titre, en raison des connaissances et des diplômes qu'il possède. Je ne parle évidemment pas du savant, de l'artiste ou de l'écrivain dont la vocation est de créer - pour lesquels l'intelligence n'est pas une profession, mais une vocation....L'intellectuel est si souvent un imbécile que nous devrions toujours le tenir pour tel, jusqu'à ce qu'il nous ait prouvé le contraire.

p105
Le cerveau de l'imbécile n'est pas un cerveau vide, c'est un cerveau encombré où les idées fermentent au lieu de s'assimiler, comme les résidus alimentaires dans un colon envahi par les toxines. Lorsqu'on pense aux moyens chaque fois plus puissants dont dispose le système, un esprit ne peut évidemment rester libre qu'au prix d'un effort continuel. Qui de nous peut se vanter de poursuivre cet effort jusqu'au bout? Qui de nous est sûr, non seulement de résister à tous les slogans, mais aussi  à la tentation d'opposer un slogan à un autre?

p112
...l'État Technique n'aura demain qu'un seul ennemi: "l'homme qui ne fait pas comme tout le monde" -ou encore: "l'homme qui a du temps à perdre"...

p115
Etre informé de tout et condamné ainsi à ne rien comprendre, tel est le sort des imbéciles. Toute la vie d'un de ces infortunés ne suffirait pas probablement à lui permettre d'assimiler la moitié des notions contradictoires qui, pour une raison ou pour une autre, lui sont proposées en une semaine.

p116
L'homme n'a de contact avec son âme que par la vie intérieure, et dans la Civilisation des Machines la vie intérieure prend peu à peu un caractère anormal. Pour des millions d'imbéciles, elle n'est qu'un synonyme vulgaire de la vie subconsciente, et le subconscient doit rester sous le contrôle du psychiatre.
(+ la suite)

lundi 9 mai 2016

ANTONIN ARTAUD - LE THEATRE ET SON DOUBLE

p127
Quels que soient les conflits qui hantent la tête d'une époque, je défie bien un spectateur à qui des scènes violentes auront passé leur sang, qui aura senti en lui le passage d'une action supérieure, qui aura vu en éclair dans des faits extraordinaires les mouvements extraordinaires et essentiels de sa pensée, - la violence et le sang ayant été mis au service de la violence de la pensée, - je le défie de se livrer au-dehors à des idées de guerre, d'émeute et d'assassinat hasardeux.

p133
...De même que nos rêves agissent sur nous et que la réalité agit sur nos rêves, nous pensons qu'on peut identifier les images de la poésie à un rêve, qui sera efficace dans la mesure où il sera jeté avec la violence qu'il faut. Et le public croira aux rêves du théâtre à condition qu'il les prenne vraiment pour des rêves et non pour un calque de la réalité; à condition qu'ils lui permettent de libérer en lui cette liberté magique du songe, qu'il ne peut reconnaître qu'empreinte de terreur et de cruauté.

p140
L'HUMOUR-DESTRUCTION

p141
Le théâtre ne pourra redevenir lui-même, c'est-à-dire constituer un moyen d'illusion vraie, qu'en fournissant au spectateur des précipités véridiques de rêves, où son goût du crime, ses obsessions érotiques, sa sauvagerie, ses chimères, son sens utopique de la vie et des choses, son cannibalisme même, se débondent, sur un plan non pas supposé et illusoire, mais intérieur.

p146
LES INSTRUMENTS DE MUSIQUE
Ils seront employés à l'état d'objets et comme faisant partie du décor.
...produire des sons ou des bruits insupportables, lancinants.

p158
Du point de vue de l'esprit cruauté signifie rigueur, application et décision implacable, détermination irréversible, absolue.

p169
Il semble encore et c'est bien d'une volonté semblable que le théâtre est sorti, qu'il ne doive faire intervenir l'homme et ses appétits que dans la mesure et sous l'angle sous lequel magnétiquement il se rencontre avec son destin. Non pour le subir, mais pour se mesurer avec lui.


p187
...et l'inquiétante et mystérieuse Dulle Griet de Brueghel le Vieux où une lueur torrentielle et rouge, bien que localisée dans certaines parties de la toile, semble sourdre de tous les côtés, et par je ne sais quel procédé technique bloquer à un mètre de la toile l'oeil médusé du spectateur.
(+la suite)




p189
Avoué ou non, conscient ou inconscient, l'état poétique, un état transcendant de vie, est au fond ce que le public recherche à travers l'amour, le crime, les drogues, la guerre ou l'insurrection.

p198

Théâtralement, le problème est de déterminer et d'harmoniser ces lignes de force, de les concentrer et d'en extraire de suggestives mélodies.
...arriver à noter ou à chiffrer, comme sur une partition musicale, ce qui ne se décrit pas avec des mots.


p199
Un athlétisme affectif
Le souffle!!!


p229
Quand je vis je ne me sens pas vivre. Mais quand je joue c'est là que je me sens exister.

mercredi 4 mai 2016

Passion dévastatrice ou Amour salvateur?

mercredi 13 janvier 2016


vendredi 11 décembre 2015

Il faut être absolument postmoderne.

lundi 30 novembre 2015

Ultima Necat II




1986

p88
Au fur et à mesure que ton corps se décompose et s'use, tes oeuvres doivent s'élever, de plus en plus vives, électriquement jeunes et fraîches. Tu ne doit pas te laisser intimider par ce que disent les évidences statistiques, médicales. Tu ne doit pas laisser vieillir la langue qui passe par toi, comme si elle en venait. Elle n'en vient pas. Tu ne dois pas, donc, trop la laisser se contaminer par ta propre dégradation biologique. Tu dois démontrer que la littérature est la contradiction de la biologie.

p95
Ne jamais oublier que le génie sombre dans la folie quand il veut le bonheur à la place du génie.
L'être médiocre, normal, lui, devient fou quand il se met à prétendre au génie alors qu'il n'a droit qu'à la recherche du bonheur.

p97
Il y a un moment où il faut choisir de larguer tout le bagage, tout le stock qu'on possède ou pas. Au profit de l'instant qui mugit. L'instant qui mugit est impressionnant. C'est tout le monde. Je comprends qu'on préfère être avec tout le monde à la surface de l'instant qui n'a pas de sens, que d'être comme moi tout seul avec mon stock qui n'intéresse personne.

p104
L'un de mes drames, depuis que je dérive, est de donner systématiquement raison aux autres, à tous les autres, contre moi. À tous les livres des autres contre le mien. Au talent des autres. Donner raison aux autres, c'est se laisser limité par eux.

p188
Tocqueville
...on prenait mon mécontentement de moi, mon ennui et ma réserve pour de la hauteur, défaut qui fait plus d'ennemis que les plus gros vices...

p196
L'amour c'est la complicité effervescente, rieuse, dans le malentendu constaté...

1987

p234
Stendhal: "Je n'écris que pour cent lecteurs, et de ces êtres malheureux, aimables, charmants, point hypocrites, point moraux, auxquels je voudrais plaire; j'en connais à peine un ou deux.

p268
...Schopenhauer disant que le génie vise un but que les autres ne peuvent même pas voir (alors que le talent vise un but que les autres ne peuvent pas atteindre). p330
Tocqueville sur le Coran et l'Évangile

p347
On pourrait penser que la musique - pour l'auditeur des approches de l'an 2000 - joue un rôle analogue à celui du "repos", du "ne rien faire", du loisir - seul bonheur de l'homme du ressentiment, dit Nietzsche, qui voit dans cette passivité l'unique moyen pour lui de ne plus être, provisoirement, rongé par la vengeance...

p378
Je reconnais quelqu'un qui a "aimé" mon livre à ce qu'il me demande des nouvelles du volume suivant.
Sinon, mêmes les éloges signifient toujours: bon, ça va, c'est fait, n'en parlons plus.

1988

p393
Malraux parle de la différence qu'il y a entre notre propre voix enregistrée (nous revenant par les oreilles) et cette voix telle que nous l'entendons lorsqu'elle sort de notre gorge au moment où nous parlons. Voilà ce que j'ai essayé de mettre au point: une formule d'intériorisation systématique du récit. Que la voix de chaque personnage vienne de sa propre gorge au moment où il s'exprime. Que chacun de ses gestes...soit raconté de l'intérieur de lui-même - cet intérieur sortant en même temps du narrateur.

p408
J'aime particulièrement la façon dont elles balaient l'espace avec leur cul....J'aime la parabole décrite par leurs fesses quand elles marchent sur le trottoir...ce serpentement alternatif.
On dirait qu'elles baisent l'espace.

p443
Transcription du journal de mon père

p459
Ce que je pourrais dire à...

p464
L'imposture de l'art moderne n'existerait et ne subsisterait que fondée sur une culpabilité générale et rétrospective (on s'est moqué de l'Olympia, on a poussé Van Gogh au suicide, on n'a cessé de se tromper durant tout le XIXe siècle à propos des véritables novateurs, etc,).

p467
...

p480
La vie est divisée, la vie sera éternellement divisée. Qui ne vit pas de la division périra par la division.
Tu dois accepter la division. Rien ne sera jamais comme tu le veux. La vie est la division comme la vie est le triomphe minuscule et permanent contre la maladie. La division est le contraire de la mort, c'est pourquoi la fusion androgynique platonicienne que tu me proposais me paraissait mortelle puisque la mort, comme dans toutes les entreprises mortelles ou mortifères, n'y était pas incluse.

p483
Conseil aux femmes...

p498
Au fond, les femmes depuis toujours représentent une sorte d'Orient (le flou, le vague, la dérive plus ou moins occultiste, la musique, le sentiment préféré à la pensée, l'éternel retour) pour moi qui suis l'Occident (la raison, l'art, l'ironie, la négativité cogitante, le doute, la verticalité critique, la radicalité athée), c'est comme ça et seulement comme ça que je les aime.

p514
La plupart des gens se contentent d'être là, de s'imposer dans leur lourdeur native et obtuse, de stagner sur la terre sans jamais être visités par l'idée qu'ils auraient pu aussi bien ne pas être. Comme s'ils allaient de soi! L'écrivain, lui, sait très bien qu'il ne va pas de soi. Il entreprend donc de se rendre nécessaire de bout en bout, depuis sa naissance jusqu'à sa mort. C'est aussi la raison pour laquelle toute grande oeuvre est une critique de la prétention des autres à être sans l'avoir mérité.


p517

L'acte réactif consiste à repousser la connerie, à essayer de la démolir, de la détruire; l'acte inclusif consiste à l'accueillir et à la bercer ironiquement dans son propre texte.


p546

Article 1 de la catéchèse crétinisante moderne: c'est l'acte d'oeuvrer qui compte et pas l'oeuvre
...

p560
Si vous n'avez jamais vu des flammes cramer un bout de plastique en le recroquevillant avec des craquements, vous ne pourrez jamais imaginer comment elle jouissait.

vendredi 4 septembre 2015


mardi 27 janvier 2015

SOUMISSION






p91
Vêtues pendant la journées d'impénétrables burqas noires, les riches Saoudiennes se transformaient le soir en oiseaux de paradis, se paraient de guêpières, de soutiens-gorge ajourés, de strings ornés de dentelles multicolores et de pierreries; exactement l'inverse des Occidentales, classe et sexy pendant la journée parce que leur statut social était en jeu, qui s'affaissaient le soir en rentrant chez elles, abdiquant avec épuisement toute perspective de séduction, revêtant des tenues décontractées et informes.

p154
Concernant la restauration de la famille, de la morale traditionnelle et implicitement du patriarcat, un boulevard s'ouvrait devant lui, que la droite ne pouvait pas emprunter, et le Front national pas davantage, sans se voir qualifiés de réactionnaires, voire de fascistes par les ultimes soixante-huitards, momies progressistes mourantes, sociologiquement exsangues mais réfugiés dans des citadelles médiatiques d'où ils demeuraient capables de lancer des imprécations sur le malheur des temps et l'ambiance nauséabonde qui se répandait dans le pays; lui seul était à l'abri de tout danger. Tétanisée par son antiracisme constitutif, la gauche avait été depuis le début incapable de le combattre, et même de le mentionner.
p218
Nietzsche avait vu juste, avec son flair de vieille pétasse, le christianisme était au fond une religion féminine.

p250
"-...Les seuls vrais athées que j'ai rencontrés étaient des révoltés; ils ne se contentaient pas de constater froidement la non-existence de Dieu, ils refusaient cette existence, à la manière de Bakounine: "Et même si Dieu existait, il faudrait s'en débarasser...", enfin c'étaient des athées à la Kirilov, ils rejetaient Dieu parce qu'ils voulaient mettre l'homme à sa place, ils étaient humanistes, ils se faisaient une haute idée de la liberté humaine, de la dignité humaine. Je suppose que vous ne vous reconnaissez pas, non plus, dans ce portrait?"
    Non, là non plus, en effet; rien que le mot d'humanisme me donnait légèrement envie de vomir, mais c'était peut-être les pâtés chauds, aussi, j'avais abusé; je repris un verre de Meursault pour faire passer.

p252
N'y a t'il pas au fond quelque chose d'un peu ridicule à voir cette créature chétive, vivant sur une planète anonyme d'un bras écarté d'une galaxie ordinaire, se dresser sur ses petites pattes pour proclamer: "Dieu n'existe pas"?

p260
À propos d'Histoire d'O
"L'idée renversante et simple, jamais exprimée auparavant avec cette force, que le sommet du bonheur humain réside dans la soumission la plus absolue..."

(+la suite)

ULTIMA NECAT Tome I








1980

p89
Pour faire une œuvre, seul compte formellement le principe de dilatation.

p93
Je ne dis pas comme Dostoïevski: puisque Dieu est mort, tout est permis. Je dis: puisque tout est fini, Dieu est permis.

p98
Marc-Aurèle, Pensées, 14: "Mourir,c'est perdre le présent, qui est un laps de temps infiniment bref. Personne ne perd le passé ni l'avenir, car on ne peut enlever à personne ce qu'il n'a pas."

p104
Il faudrait tout de même que je commence à n'être plus timide et à m'approprier mes propres idées avant que d'autres ne le fassent.





1981

p129
 Ma tête n'est pas très solide; elle est faite, comme celle des autres, pour recevoir dans sa vie entière cinq ou six informations, ainsi que cela se passait autrefois, et depuis toujours. Mais voilà qu'elle est bombardée de milliers de messages, chaque jour, et qu'elle ne s'y adapte pas. Elle est comme ces monuments, ces ruines arrêtées, qui se sont dressées pendant des siècles au milieu de terrains vagues et qui, aujourd'hui, sont coincées entre divers assauts,fer, béton, asphalte, manifestations variées de la technique, tenailles de l'oubli.

Moi qui ne suis pas, qui ne serai probablement jamais musicien, je pense immédiatement à des comparaisons musicales quand je pense à mon roman...

p130
Tenter de produire un aimant. Surmagnétiser le pôle, de sorte que la limaille du monde y soit attirée de plus en plus facilement. Les intenses dispersions de nos temps modernes imposent ce genre de rêve.

p140
...un peu de culture rapproche de la gauche, beaucoup en éloigne...





1982

p161
"Malheur à qui ne se contredit pas au moins une fois par jour" (Ecclésiaste)

p162
En somme, se faire aimer de la gauche puis se dévoiler. À partir de ce moment-là, on devient inoubliable.
    Un des préceptes fondamentaux pour accéder à l'immortalité.
(Et à la persécution)

p188
"Sans individus, c'est-à-dire sans répartition des possibles, il ne pouvait y avoir de temps" (Bataille). Et le temps, dit-il, c'est le désir, et le désir, c'est que le temps ne soit pas, et que le temps ne soit pas c'est le désir que les individus n'existent pas. Le tout ne veut pas le temps.

p202
Les morts-vivants pèsent d'un poids très agréable et très léger sur les vivants-morts





1983

p314
"Seuls les "grands" succès sont des succès de masse, et l'on ne comprend même plus que tout succès de masse ne peut être qu'un petit succès: car pulchrum est paucorum hominum [le beau appartient au petit nombre]." La conscience individualiste élimine les très grands hommes au profit des talents reconnus au milieu d'une collectivité d'hommes à peu près égaux. Or, dans nos civilisations tardives et raffinées, tout le monde a un peu de talent "et peut s'attendre à recevoir la part d'honneur qui lui est due".

p322
Le roman est périssable.
Comme le Monde. Comme l'Occident. Qui est ce que le Monde a de mieux en fin de compte.
Il est menacé par tout ce qui ne veut ni de l'ambiguïté ni de la relativité. Par tout ce qui veut l'Harmonie.
Par la pensée totalitaire.
Il est le doute, l'ironie, le suspens, la question, l'humour. L'inconciliabilité.  L'esprit. Le paradoxe. Le jeu. La liberté.

p341
Appétit de merveilleux de l'enfance opposé à l'esprit critique. "N'importe quel merveilleux est beau"...

p382
Comment ce qu'on porte sur soi sans mystère pourrait-il devenir chez un autre un objet de secret infini et pétrifiant, sinon au prix d'une immense falsification?

p384
Impression de misère hier soir à Beaubourg (lecture par deux comédiens et par H. lui-même de fragments de son livre). Fin absolue de tout ça. De ce type de littérature comme de ce genre de manifestations qui n'amène dans la salle que quelques amis emmerdés qui préfèreraient être chez eux en train de regarder la télé, et quelques semi-clochards poétisants.





1984

p403
Pourquoi je suis presque systématiquement et intuitivement du côté des vaincus. Raisons qu'il y a de se ranger du côté de ce qui meurt...Si je suis du côté de ce qui triomphe, je suis heureux mais je disparais. Si je suis du côté de ce qui disparaît, je suis malheureux mais je me laisse une chance de résister à la disparition. Si je suis avec le monde, je suis le monde. Si je suis contre le monde, je m'en différencie. La solitude la plus intense accompagne cette différenciation.

p414
égalité

p434
...Je dois mettre les possibilités d'humour du lecteur de mon côté...D'autre part, la fureur et les propositions insoutenables doivent être contrebalancées par la tendresse. Il faut trouver le ton pour ça. Sinon, pas de passeport..

Les couples usés jusqu'à la corde vivent sur un programme commun d'angoisse qui les excite perpétuellement de façon malsaine. Le repos passager d'un des partenaires paraît insupportable à l'autre qui s'empresse de le briser le plus rapidement possible. Ainsi: l'enfer est permanent au prix d'efforts conjoints et harmonieux. Les seuls moments de paix viennent de l'épuisement des forces de l'un et de l'autre, ils ne peuvent donc arriver qu'au terme de scènes atroces qui laissent "pantelants" l'homme et la femme provisoirement...





1985

p543
Cauchemar cette nuit trop beau pour ne pas être noté... I., fils ainé de N., est là aussi, en train de foutre le bordel un peu partout; je l'engueule mais ensuite le félicite, il vient de publier un livre (ce livre, c'est celui de Nabe que je viens de lire!!) qu'il ne m'avait évidemment pas fait lire en manuscrit, je lui dis qu'il a énormément de talent (ce que je pense de Nabe), mais qu'il doit faire attention de ne pas tomber dans toutes les conneries (antisémitisme) où il vient de tomber.

p544
Le seul critère en fin de compte pour savoir en cours de route si ce que vous écrivez tient le coup, c'est le test télé...N'importe quel film minable du soir vous paraît-il plus chatoyant, agité, captivant, que ce que vous êtes en train d'inventer? Plus sexuellement désirable, sensible, éclatant? N'hésitez-pas alors, ça va mal, vous êtes sur la mauvaise pente, votre livre ne tient pas devant la non-vie agitée télé.

p545
La poésie qu'on croit l'expression brute du génie humain en est la décadence lamentable.

Or c'est la mort des hommes réels qui produit l'effet que produit au cinéma la mort des vampires imaginaires.

p546
Si je n'éprouve jamais, envers ceux qui ont plus de succès que moi, le ressentiment de presque tout le monde, ce n'est évidemment pas par grandeur d'âme. Quoi alors? Je crois que c'est parce que je me suis toujours, en dépit de la réalité, pensé comme un vainqueur...Ce n'est donc pas par générosité que le ressentiment m'est inconnu, c'est par illusion. Par capacité de projection de moi-même dans un avenir de réussite. Par capacité de futuration optimiste (ou parano).

p559
Céline: "Il faut se dégoûter soigneusement des autres avant d'être bien fixé soi-même sur ce qu'on peut faire."

p575
L'opération socialiste "Touche pas à mon pote" uniquement soutenue par les lycéens. Il n'y a plus qu'eux qu'on peut faire descendre dans la rue. Sans idéologie puisqu'il s'agit d'enfants. Avec des trucs d'enfants. Ballons, musique, podiums, concerts. Et un seul mot d'ordre -antiracisme- absurde puisqu'il tombe sous le sens.
Dans un pays où il n'y a plus d'idéologie, tout se passe comme dans les pays où l'idéologie a triomphé (les totalitaires): les adultes disparaissent, l'enfant monte au premier plan (jeunesse hitlérienne, gardes rouges, etc. - enfants dénonciateurs des parents...) même si la cause, dans ce cas paraît juste, sainte, c'est la même logique qui innerve le mouvement.

Note d'une infinie banalité. Quand j'ai peur de ma mort, c'est que je crois que c'est moi qui serais mort. Or je ne m'emporterai pas dans la tombe.

p576
Pour une fois, je suis d'accord avec Breton quand il disait qu'on doit se taire si on cesse de ressentir.